Amal Adyel : A 40 ans, elle croque la vie et les marathons
Confidences de la première marocaine qui a participé au championnat du monde d’Iron man à Kailua-Kona
Et si l’automne était la plus belle saison pour courir ? Températures idéales, paysages dorés, calendriers de marathons bien remplis… C’est la période où les coureurs retrouvent leur rythme, leur souffle, et leur plaisir de performance. Rencontre avec une passionnée qui prépare le Marathon de Valence, et pour qui chaque course est une aventure autant sportive qu’humaine.
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“L’automne, c’est vraiment la saison des coureurs. Il fait beau, les conditions sont parfaites pour s’entraîner. En hiver, c’est plus compliqué, et l’été on récupère souvent. Alors à la rentrée, on repart avec un vrai objectif.” nous confie Amal Adyel entre deux bouchées de son omelette au saumon, délicatement servie au rooftop du Square Gauthier. Un petit déjeuner matinal et savoureux sur le toit de l’hôtel casablancais que l’on fait découvrir à l’athlète de haut niveau, au palmarès aussi long que l’étalage des sneakers de son dressing : Valence, Londres, Chicago, Florence, Amsterdam, Copenhague, Francfort ou encore Prague, Séville, Boston… Des rendez-vous mythiques qui attirent des milliers de runners venus se challenger, battre leur chrono ou simplement redécouvrir une ville autrement. “Chaque marathon, c’est une ville qui s’offre à moi différemment. Je cours pour découvrir, pour ressentir. C’est ma manière de visiter le monde, en courant à travers lui.”

- Vous allez courir le 26 octobre à Casablanca ?
Cette année, c’est un tournant à 360°. L’organisation a été confiée à l’Association des Grands Coureurs de Casablanca (AGCC), composée de vrais passionnés et de coureurs expérimentés. Ils ont tout revu selon les normes internationales, avec pour objectif de replacer le coureur au centre de l’événement. La sécurité, les ravitaillements, les parcours, tout a été pensé pour redonner de l’espoir aux athlètes marocains qui, jusque-là, manquaient souvent de conditions dignes pour performer.
- En quoi ce nouveau parcours représente Casablanca ?
Le tracé a été totalement repensé pour mettre en valeur les lieux emblématiques de la ville. Le départ se fera depuis la Mosquée Hassan II, en longeant la corniche, avant de remonter par le boulevard Ghandi, puis jusqu’au Maârif, quartier Racine, les Twins center, le théâtre, la Poste… bref, un véritable voyage à travers Casablanca. L’idée, c’est que chaque participant découvre la ville en courant. Et même la circulation a été repensée pour fluidifier la course sans bloquer toute la ville. Une vraie petite révolution ce marathon, inspiré des grandes métropoles internationales.
- Vous serez donc sur les pistes casablancaises ?
Cette année, j’ai découvert qu’on pouvait courir en relais, avec quatre participants se partageant les 42 km, chacun parcourant environ 10,5 km. C’est vraiment stimulant car cela crée un esprit d’équipe unique, que ce soit entre amis ou pour des entreprises. L’organisation, menée par l’Association des Grands Coureurs de Casablanca (AGCC), a revu tout le parcours selon les standards internationaux, avec des médailles et t-shirts de qualité, et en valorisant tous les lieux emblématiques de Casablanca.

- Ironman, quel courage !
Ce fut mon plus grand défi ! des amis m’ont incitée à faire un Ironman, j’ai répondu « mais vous êtes fous ». Je l’ai fait. Et plusieurs fois ! Avec seulement six mois de préparation, en m’appuyant sur mon expérience de marathonienne et sur des entraînements intensifs avec des amis sur des parcours montagneux comme Loukaimeden, j’ai réussi ! Mon premier Ironman full distance fut en 2019, sans jamais avoir fait de triathlon avant. J’ai commencé par celui de Nice. Le plus difficile ! Ironman combine 4 km de natation, 180 km de vélo et un marathon de 42 km. J’ai fait un Full Ironman: Nice, Klagenfurt, Copenhague, World Championship kona. Cette expérience m’a permis de devenir la première Marocaine qualifiée pour les championnats du monde à Hawaï en 2023 et m’a montrée que la discipline, la préparation et la détermination peuvent surmonter toutes les peurs et les doutes.
« La place de l’amour je ne la remplis pas par nécessité. Mon cœur est grand comme mon sport ! »
- Vous courez tout le temps mais vous êtes aussi chef d’entreprise !
Je suis entrepreneure dans la construction, c’est une entreprise familiale. J’ai également lancé un concept store nommé Pikala shop. Ce projet est né pendant la pandémie à partir d’une vidéo virale d’un enfant qui s’est fait voler son vélo. Dans la vidéo, le gamin hurlait « Picalti, picalti … ». Cela m’a inspiré et j’ai ouvert mon premier magasin d’équipement pour le triathlon et autres sports comme la natation, course, cyclisme, ainsi que la nutrition sportive, avec des marques inédites au Maroc. L’objectif : offrir conseils, tests de produits et guidance à tous ceux qui veulent se lancer dans le sport, dans un espace convivial incluant même une cafétéria, afin de vivre l’expérience complète du sport en toute confiance.

- Est-ce compliqué de concilier entre votre rôle de businesswoman et votre agenda chargé des entraînements sportifs pour les marathons et Ironman ?
Aujourd’hui, tout est une question d’organisation. Entre la gestion d’une entreprise familiale de 300 employés, mes responsabilités personnelles et mes entraînements, chaque journée semble trop courte. Mais le sport est devenu indispensable à ma vie, presque dans mon ADN : il m’apporte équilibre, énergie et plaisir, même si au départ, je ne m’imaginais pas évoluer dans ce milieu.

- Et l’amour dans tout cela ?
La place de l’amour je ne la remplis pas par nécessité. Mon cœur est grand comme mon sport !
- Des souvenirs de votre première foulée ?
Il est gravé dans ma mémoire : c’était en 2016. J’étais si musclé au point de ressembler à Shrek ! J’ai alors pris conscience que je devais bouger pour reprendre ma féminité.. Avec le soutien du Cmcf, ma « deuxième famille », j’ai préparé mon premier marathon de Francfort en quatre mois, et ce jour-là, j’ai compris que courir n’était pas juste un sport, c’était un mode de vie, une expérience unique qui transforme autant le corps que l’esprit.
« Ironman combine 4 km de natation, 180 km de vélo et un marathon de 42 km. »
- On dit souvent que les Fashion Weeks sont de véritables “marathons de la mode”. Vous aimez la mode ?
Oui, complètement ! C’est un autre type de marathon, mais un marathon quand même (rires). Je ne fais pas toutes les Fashion Weeks, mais j’adore la mode. C’est une part essentielle de ma féminité. Être sportive ne veut pas dire renoncer à être femme. Au contraire. J’aime le shopping, j’aime dénicher des pièces originales, différentes, qui ne se trouvent pas partout. C’est peut-être un petit défaut, mais c’est mon pêché mignon. Pour moi, il y a un temps pour tout : un temps pour transpirer, et un temps pour briller. Le matin, on peut me croiser à 5h30, en short et brassière, les cheveux attachés, en train de courir. Et quelques heures plus tard, les mêmes amis me voient arriver en robe, apprêtée, parfumée, et ils n’en reviennent pas. Ils me disent souvent : “Mais tu changes à chaque fois, c’est incroyable !” (sourire). C’est justement ça que j’aime : la dualité. Être sportive, oui, mais complète. L’un n’empêche pas l’autre.
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- Vous êtes entourée de plus d’hommes que de femmes ?
Oui, sans hésiter. J’ai toujours eu plus d’hommes que de femmes autour de moi. Non pas à cause du sport, mais parce que j’ai souvent été déçue par les femmes. Trahie, même. J’ai beaucoup donné, parfois trop, sans rien attendre en retour. Ma gentillesse m’a souvent joué des tours. Alors, avec le temps, je me suis naturellement entourée d’hommes. Non pas parce que je les préfère, mais parce qu’avec eux, je me sens plus en sécurité. Il n’y a pas de rivalité, pas de jalousie, pas de faux-semblants. Je peux être moi-même, parler sans tabou, rire, échanger, sans craindre un coup dans le dos. C’est venu instinctivement. Et au fond, c’est peut-être aussi parce que j’ai une manière de penser assez directe, assez franche, un peu “masculine” parfois. Je me sens plus alignée, plus apaisée, dans cet équilibre-là.

- Votre famille partage-t-elle cette passion du sport avec vous ?
Pas comme moi ! (rires) Disons que chacun fait du sport un peu à sa manière, mais je suis celle qui a pris tout le côté sportif de la famille. Et ils en sont très fiers. J’ai une relation particulière avec mes neveux. Ils ont grandi en me voyant courir, m’entraîner, me dépasser. Aujourd’hui, ils veulent courir aussi vite que leur “Tati”. C’est ma plus belle victoire. Quand j’ai organisé le 24H Challenge, mes parents étaient là. Ils m’ont dit : “On est fiers de toi.” Et franchement, il n’y a rien de plus fort. Je pense souvent à Hawaï, aux Championnats du monde d’Ironman : ma mère m’avait accompagnée. C’était son anniversaire. Partager ce moment-là avec elle, c’était comme un symbole. Nous sommes une famille soudée, avec nos racines entre Fès et Meknès, et nos vies aujourd’hui à Casablanca. Après des années dispersées entre les États-Unis et la France, on se retrouve enfin tous. Et pour mes parents, voir leurs enfants réunis, c’est leur plus belle récompense. Le sport, pour eux, c’est avant tout une manière de rester en forme, mais pour moi, c’est une philosophie de vie. Et ils le respectent, ils le comprennent, ils m’accompagnent.



