Hind Zemmama : La montagne, le courage et la reconnaissance royale. Portrait d’une grand-mère exceptionnelle

Elle a reçu une lettre royale, un honneur rare, puissant, intime, qui a confirmé ce qu’elle pressentait déjà : son chemin est le bon. La montagne, dit-elle, est un cadeau qu’elle s’est offert. Un cadeau exigeant, brutal, mais fondateur. À ce jour, Hind Zemmama a gravi 5 sommets parmi les Seven Summits. Il lui en reste 2 à conquérir, qu’elle prévoit d’achever en 2026, une année qu’elle considère comme « son année de chance ». Pour ÇAMARCHE, elle revient sur son parcours, sa foi, ses défis et sa mission d’inspiration.

Il y a des femmes qui avancent, d’autres qui osent, et puis il y a celles qui changent les horizons. Hind Zemmama est de celles-là. À plus de cinquante ans, mère et grand-mère, elle a décidé de prendre la verticale. Et elle ne s’est pas seulement élevée : elle s’est dépassée.

Tout a commencé un jour de 2023 devant une émission de télévision. « Je me suis dit pourquoi je n’essaierai pas ? » raconte-t-elle. Ce déclic, presque anodin, a ouvert un chemin de glace, de vent, d’altitude et de lumière. Un chemin où elle découvre une discipline qui lui correspond profondément : « Le sport est un cadeau que je me fais à moi-même : renforcer le cœur mais calmer l’esprit. » Et depuis, tout s’est enchaîné. Le Toubkal. Le Kilimandjaro (échoué puis réussi), Elbrus… Les sommets qui suivent. Les échecs qui enseignent. Les victoires qui transforment. « Chaque échec m’a menée vers une réussite plus grande », dit-elle. Aujourd’hui, elle a gravé cinq sommets. Il lui en reste deux. Et pour elle, 2026 sera une apothéose. « C’est mon année de chance », affirme-t-elle.

Mais un moment dépasse tous les autres : une lettre royale. Un geste symbolique immense. « Elle m’a fait prendre conscience de ma valeur. Elle m’a dit que j’étais sur le bon chemin. » Avec cette reconnaissance de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, son engagement prend une autre dimension : représenter la femme marocaine, hisser le drapeau rouge tout en haut, inspirer. Elle grimpe pour elle-même, mais aussi pour son pays.

• Pourquoi avez-vous choisi l’alpinisme ?

L’alpinisme est la seule discipline qui m’a réellement poussée à sortir de ma zone de confort. Avant tout, le sport est un cadeau que je m’offre : il renforce le cœur et apaise l’esprit. Je crois profondément que la femme, avec sa force mentale, peut tout accomplir.

• Tous les sportifs cherchent le Graal. Quel est le vôtre ?

Le Graal, c’est cette lettre royale que j’ai reçue. Elle m’a fait prendre conscience de ma valeur, m’a rappelé que cette femme de cinquante ans, mère et grand-mère, est sur la bonne voie. C’est un encouragement inestimable, un cadeau de vie.

• Quels sont les dangers de l’alpinisme ?

L’alpinisme, c’est une stratégie avant même l’ascension. Les dangers sont nombreux : la déshydratation, l’aveuglement provisoire, l’anorexie, l’isolement total, les hallucinations… Même l’oxygène que nous respirons gratuitement, il faut l’acheter là-haut. La concentration est vitale, chaque pas compte.

• Vous vous êtes offert l’Everest cette année, c’est une sacrée montagne à gravir… ?

Cette ascension m’a profondément marquée. L’Everest est magnifique mais extrêmement dangereux. Je l’ai gravi pour me dépasser, pour prouver que j’en étais capable et pour honorer mon pays. Voir le drapeau marocain flotter au sommet du monde a été un moment indescriptible. Malgré la zone de la mort, le froid, la fatigue et la peur, j’y ai trouvé une force que je ne soupçonnais pas. Là-haut, on redécouvre l’essentiel : remercier Dieu, sentir la fragilité de la vie, et mesurer l’immense valeur de ce simple oxygène que l’on oublie ici-bas.

• Ressentez-vous les mêmes émotions à chaque ascension ?

Chaque expédition est unique. Mais il y a toujours cette même excitation, cette peur de ne pas réussir, qui nous garde humbles. La montagne offre bien plus qu’un sommet : elle nous reconnecte à la nature, à nous-mêmes, et nous remplit de gratitude.

• Quand et comment votre aventure avec la montagne a-t-elle commencé ?

Tout a commencé devant une émission de télévision. Une nostalgie m’a ramenée aux moments passés en montagne avec mes frères. J’ai tenté le Toubkal, fermé ce jour-là… et je suis revenue le week-end suivant pour hisser le drapeau marocain au sommet.
Puis est né le rêve des 7 sommets. Le Kilimandjaro a failli m’arrêter à 150 mètres du sommet, mais j’y suis retournée. Cet échec est devenu un élan. Depuis, les sommets se succèdent… et l’aventure continue.

Le Graal, c’est cette lettre royale que j’ai reçue. Elle m’a fait prendre conscience de ma valeur, m’a rappelé que cette femme de cinquante ans, mère et grand-mère, est sur la bonne voie. C’est un encouragement inestimable, un cadeau de vie.

• Comment votre famille vit-elle votre passion ?

Ils ont parfois peur, c’est normal. Mais ils n’ont jamais douté de moi. Leur soutien — parents, frères, mari, enfants, équipe — me donne une force immense. Cette passion est ma manière de me retrouver et, je l’espère, d’inspirer les femmes marocaines à croire que rien n’est jamais trop tard.

• Vos enfants et petits-enfants partagent-ils votre amour des sommets ?

Mes enfants sont très sportifs : mon fils est champion de judo, ma fille pratique la boxe. Je ne leur ai jamais imposé la montagne. Mon petit-fils, lui, me touche profondément : quand il voit une montagne, il me dit « C’est toi, Mami ! » Ces mots me bouleversent et m’encouragent à aller encore plus loin.

• Quels enseignements vous ont apporté la maternité et la grand-maternité ?

Elles m’ont appris l’écoute, la patience et l’amour inconditionnel. Je grimpe les montagnes de la nature, mais aussi celles de la vie, pour offrir à ma génération un exemple de courage et de détermination.

• Avez-vous des peurs ou des doutes avant de partir ?

Toujours. La montagne a son propre langage. Mais ma foi en Dieu me guide et me protège. C’est cette confiance qui me permet d’avancer malgré les risques.

• Trois conseils pour les femmes qui rêvent d’oser ?

– Il n’est jamais trop tard.
– Entourez-vous de personnes qui croient en vous.
– La confiance en soi, la discipline et le courage sont les clés. Chaque parcours commence petit à petit : n’attendez pas que tout soit parfait.

• Pourquoi le sport est-il un levier d’épanouissement pour les femmes ?

Le sport reconnecte à son corps, donne confiance, et rappelle qu’on peut être fortes tout en restant féminines. C’est un terrain de joie, de liberté et d’accomplissement.

• Vous sentez-vous investie d’une mission d’inspiration ?

Oui. Ma mission est de hisser le drapeau marocain sur les sept sommets, d’honorer mon pays et de représenter fièrement la femme marocaine. Chaque femme qui ose en inspire une autre. Ensemble, nous avançons.

• Une figure féminine qui vous a marquée ?

Ma mère. Une femme exceptionnelle, mon modèle. Mon père aussi : deux êtres de sagesse, d’ambition et de sacrifice, qui ont forgé qui je suis.

• Quelle est la prochaine aventure à l’horizon ?

Mon objectif est désormais limpide : je vais boucler les deux derniers sommets qui me restent pour décrocher le titre prestigieux des Seven Summits avant la fin de l’année 2026. Je prends le temps de me préparer, de savourer chaque étape, mais la détermination est là. Inchallah, je hisserai encore une fois le drapeau marocain au sommet du monde