Trois femmes marocaines sur les toits du monde

Elles ont gravi les plus hauts sommets et ont fait de l’ascension des montagnes leur ultime défi pour pousser leurs limites et inspirer les femmes marocaines et du monde. Bouchra Baibanou, Ghizlane Aakar et Nawel Sfendla, parcours de trois alpinistes hors du commun.

C’est à 6h du matin, un dimanche 21 mai 2017, que Bouchra Baibanou plante son drapeau marocain sur le plus haut sommet du monde. La mère de famille de 47 ans venait de gravir l’Everest et ainsi devenir la première marocaine à réaliser cet exploit. Deux jours plus tard, c’est une autre marocaine qui lui emboite le pas et atteint les 8849 m de l’impressionnante montagne. Avec Ghizlane Aakar, elles sont les premières marocaines et nord-africaines à atteindre ce graal. Quelques années après, c’est une autre jeune marocaine qui décide de troquer les écrans pour les montagnes. A son actif, une cinquantaine de monts dont le Manaslu, et un mental de fer pour avaler les plus grands marathons du monde.

Bouchra Baibanou : la dompteuse des sept sommets

Derrière son visage doux et sa silhouette menue, Bouchra Baibanou cache une force inébranlable. Diplômée de HEC Montréal, mariée et mère de deux enfants, cette pionnière marocaine a inscrit son nom dans l’histoire de l’alpinisme mondial en devenant, en mai 2017, la première femme marocaine à atteindre l’Everest, ultime étape de son défi des “Seven Summits”. Elle a relaté cette odyssée dans un ouvrage inspirant, Mon chemin vers les sept sommets du monde. Aujourd’hui, riche de son grand palmarès de première personne au Maroc à réaliser le challenge des sept sommets du Monde, première femme marocaine et nord-africaine à gravir l’Everest et première femme arabe à gravir Annapurna 8.091m en avril 2022. Elle est entrepreneure, et consacre son énergie à des retraites sportives dédiées à la reconnection du corps et de l’esprit, tout en poursuivant sa passion des hauteurs. En 2025, à 56 ans, l’infatigable aventurière s’est offert un nouveau triomphe : la conquête du Broad Peak et du K2, la deuxième plus haute montagne du monde, nichés au cœur du massif du Karakoram, cette “demeure des neiges” qui défie le ciel entre le Pakistan et le Tibet. Mais au-delà des cimes, Bouchra Baibanou mène un autre combat : celui de l’émancipation des femmes marocaines. Pour elle, chaque sommet gravi symbolise une barrière sociale ou mentale franchie. Figure d’inspiration et de résilience, elle hisse haut les couleurs du Maroc et prouve qu’avec la foi, la discipline et la détermination, aucune montagne, réelle ou symbolique, n’est infranchissable.

Ghizlane Aakar : la persévérance au sommet du monde

Quatre tentatives pour une seule victoire : celle du cœur et du souffle. Ghizlane Aakar a conquis l’Everest lors de sa quatrième expédition, atteignant le toit du monde le mardi 23 mai à 3h45 du matin. Devancée de quelques heures par sa compatriote Bouchra Baibanou, elle inscrit son nom parmi les rares Marocaines à avoir tutoyé l’Himalaya. Sportive depuis l’enfance — entre karaté, boxe thaïlandaise et surf — la Casablancaise s’est forgé une mentalité d’acier dans un corps d’à peine 1m60 pour 50 kg. C’est à 26 ans, alors qu’elle travaillait en France, qu’elle découvre sa vocation : un trek presque offert par son entreprise au Népal la révèle à elle-même. La montagne devient dès lors son terrain d’expression, sa méditation en mouvement. En 2012, elle gravissait déjà le “Colosse de l’Amérique”, l’Aconcagua, plus haut sommet de la cordillère des Andes. Depuis, ses vacances n’ont plus jamais ressemblé à celles de tout le monde : Rinjani, Mont Kenya, Kilimandjaro, Mont Blanc… la planète est devenue son terrain d’ascension. Avec une détermination sans faille et une humilité désarmante, Ghizlane Aakar incarne la ténacité marocaine dans ce qu’elle a de plus pur : une volonté inébranlable d’aller toujours plus haut, plus loin, plus fort — là où le froid glace tout, sauf la passion.

Nawal Sfendla : là où la grâce tutoie les cimes

Première femme marocaine à avoir atteint le Manaslu, le huitième plus haut sommet du monde, Nawal Sfendla incarne une rare alchimie de force, d’élégance et de persévérance. Ancienne communicante devenue alpiniste d’élite, elle a troqué les bureaux feutrés pour les cimes glacées, suivant l’appel intérieur d’une quête d’authenticité et de dépassement de soi. Du Kilimandjaro à l’Aconcagua, en passant par le Denali, elle poursuit aujourd’hui à 34 ans son ambitieux projet du “7 Summits Challenge”, dont elle a déjà gravi 5 ! Cet été 2025, elle a ajouté deux exploits à son palmarès de plus d’une cinquantaine de monts gravis : l’ascension du Mont Blanc, toit de l’Europe occidentale, et une course d’endurance de 125 km à travers les Dolomites en Italie, une épreuve d’endurance extrême entre ciel et roche. Sur les hauteurs, cette sportive hors norme hisse non seulement le drapeau marocain, mais aussi l’étendard d’une féminité puissante, libre et résiliente. Chaque ascension devient pour elle une méditation sur la vie, un dialogue entre la nature et l’esprit. Inspirée par la beauté brute des montagnes, Nawal allie rigueur mentale, humilité et grâce dans l’effort, incarnant une nouvelle figure du courage marocain, à la croisée de la modernité, de la spiritualité et de la détermination absolue.