Hind Abatourab : courir contre les clichés
Première femme marocaine et africaine à décrocher cinq fois de suite le Championnat du Maroc de sport automobile, Hind Abatourab trace sa route avec détermination. Entre héritage paternel, passion dévorante et volonté d’inspirer la nouvelle génération, elle incarne une trajectoire singulière dans un univers encore largement masculin.

« Le sport, et plus particulièrement le sport automobile, fait partie de ma vie depuis mon enfance. Mon père est un grand passionné de voitures de vitesse, et comme j’étais son aînée et qu’il n’avait pas de garçon, il m’a transmis naturellement cette passion. » Dès ses débuts, Hind comprend que piloter ne se résume pas à « aller vite et ne pas avoir peur » mais que « c’est un art qui demande de la technique, de la concentration et beaucoup de discipline. » Pour elle, « le sport est bien plus qu’une compétition. C’est une école de vie, une source d’équilibre, de dépassement de soi et de résilience. »
Mais s’imposer sur les circuits n’a pas été immédiat. « Mes débuts n’ont pas été faciles. J’étais la seule femme sur les circuits, entourée d’hommes expérimentés. Il a fallu m’imposer, prouver que ma place n’était pas un hasard. » Pour y parvenir, elle suit des formations au Maroc, en France et en Espagne, perfectionne ses compétences et vise haut. « Grâce à Dieu, au soutien indéfectible de mon père , à la fois moral et financier , et à ma détermination, j’ai remporté pendant cinq années consécutives la 1ʳᵉ place du Championnat du Maroc, organisé par la Fédération Royale Marocaine du Sport Automobile. Être la première femme marocaine et africaine à obtenir ce titre reste une immense fierté. »
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Une pionnière sur la ligne de départ
Chaque course est une lutte, parfois contre des adversaires « peu bienveillants », mais Hind transforme les obstacles en moteur. « J’ai appris à transformer chaque remarque ou doute en motivation. Dans notre société, certains pensent encore que la femme doit se limiter à son foyer. Moi, j’ai voulu prouver qu’une femme peut prendre soin de sa famille tout en poursuivant ses rêves. Je reste fidèle à ma personnalité, féminine mais forte, et je veux être un exemple pour d’autres femmes qui hésitent à se lancer dans des domaines dits “masculins”. »
Si son père fut son premier soutien, Hind puise aussi son inspiration ailleurs. « Oui, sans hésiter, Michèle Mouton, la célèbre championne française, est mon idole. Elle a ouvert la voie pour beaucoup de femmes pilotes. » À son tour, elle veut « inspirer les jeunes filles marocaines et africaines, leur montrer que tout est possible avec de la passion, du travail et de la persévérance. » Ses prises de parole médiatiques sont pensées comme des passerelles : « Je partage toujours mon expérience dans les interviews ou podcasts, et j’encourage celles qui aiment la vitesse et l’adrénaline à oser franchir le pas. »
Au-delà de son propre parcours, Hind observe avec lucidité l’évolution du sport féminin dans son pays. « Le sport féminin au Maroc progresse, surtout dans des disciplines comme le football ou l’athlétisme. Mais pour le sport automobile, malheureusement, il n’y a pas encore assez d’encouragement ni de développement pour les femmes. J’aimerais vraiment que les institutions et les médias s’intéressent davantage aux pilotes marocaines, car il y a du talent et beaucoup de potentiel inexploité. »
Aujourd’hui encore, Hind continue d’enchaîner les compétitions, malgré un calendrier parfois perturbé. « Je participe toujours au Championnat du Maroc même si certaines courses, comme celle de ce week-end, ont été reportées à cause des manifestations. Mon grand rêve reste de participer à des compétitions internationales pour représenter mon pays et faire briller le drapeau marocain. » Son engagement ne se limite pas aux circuits : « Je prends part à des actions associatives chaque fois que je peux, car pour moi, le sport enseigne aussi la solidarité et le partage. La trace que j’aimerais laisser, c’est celle d’une femme pionnière qui a ouvert la voie et qui a inspiré d’autres à croire en elles. »
Derrière la pilote, il y a aussi une mère et une femme organisée. « Je suis une femme et une maman avant tout. Ma journée commence souvent par m’occuper de mes enfants, puis je prends soin de moi à travers le sport et une alimentation équilibrée. Même si chaque jour est différent, j’essaie toujours de garder une discipline de vie, essentielle pour un sportif. Entre la famille, les entraînements, et mes engagements associatifs, je trouve mon équilibre dans l’organisation et la passion. »
Sur la piste comme dans la vie, Hind Abatourab n’a jamais levé le pied. Sa trajectoire dit une chose simple : au Maroc comme ailleurs, la vitesse n’est pas qu’une affaire d’hommes.



